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Agrivoltaïsme : zones d’ombre sur le partage de la valeur

Le projet de loi sur le partage de la valeur prévoit désormais une limite de 10 MWc par exploitation, soit une vingtaine d'hectares.

La proposition de loi visant à assurer le développement raisonné et juste de l’agrivoltaïsme a franchi le cap de la commission des affaires économiques à l’Assemblée nationale. Le texte suscite une levée de boucliers du monde agricole et des énergéticiens.

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Un an d’attente… Et ce n’est pas fini. Alors que le décret définissant le cadre de l’agrivoltaïsme a été publié le 8 avril 2024, la loi sur le partage de la valeur se fait toujours attendre. Le 26 mars 2025, la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a adopté la proposition de loi transpartisane visant à assurer le développement raisonné et juste de l’agrivoltaïsme, assortie de plusieurs amendements. Porté par le député Pascal Lecamp (Modem, Vienne), ce texte doit combler les lacunes de la loi Aper (loi d’accélération de la production d’énergies renouvelables) et du décret du 8 avril, en précisant notamment les règles sur le foncier et le partage de la valeur. « Il n’y en aura pas pour tout le monde et nous avons besoin de bornes pour éviter les projets surdimensionnés », résume le député pour défendre son texte. Ce dernier se décline en 5 articles.

L’article 1 prévoit qu’une commission départementale s’assure que les panneaux solaires installés sur les terres naturelles, agricoles et forestières sont répartis de manière équilibrée sur le territoire. Les entreprises développant des projets agrivoltaïques doivent financer des initiatives locales pour soutenir l’agriculture et la transition écologique.

Un seuil de 10 MWc

L’article 2 a cristallisé le plus de débats lors de la commission. À l’origine, le texte prévoyait de limiter les projets à 5 MWc par exploitation, soit environ 10 hectares. Les députés ont voté un amendement relevant ce seuil à 10 MWc, soit 20 hectares. Cette augmentation du seuil maximal s’accompagne d’un plafond à 30 % de la SAU, « ce qui était demandé par les JA », précise le rapporteur Lecamp et surtout d’un troisième point sur la territorialisation. « Les CDPenaf, en s’appuyant sur les doctrines des chambres d’agriculture, doivent pouvoir localement ajuster les limites à la baisse. » Le gouvernement doit en outre remettre un rapport sur l’impact de l’agrivoltaïsme sur le prix des terres agricoles et proposer des solutions pour éviter une flambée des prix, comme des mécanismes de plafonnement. Le rapporteur, Pascal Lecamp a pour sa part proposé de clarifier les conditions d’application du texte aux personnes morales (Gaec, GFA, EARL). Un point qui doit encore être précisé.

L’article 3 impose la signature d’une convention cadre entre le propriétaire, l’agriculteur et l’exploitant des panneaux solaires lorsqu’une installation agrivoltaïque est placée sur une parcelle agricole. Cette convention d’une durée d’au moins 18 ans doit garantir la coexistence entre productions agricole et photovoltaïque. L’exploitant des panneaux solaires est seul responsable du démantèlement des installations en fin de bail, même après son expiration.

L’article 4 a été supprimé en commission. Très controversé, il visait à renforcer le contrôle public sur le foncier agricole en permettant aux collectivités locales (EPCI) d’exercer un droit de préemption pour acheter des terrains agricoles en cas de vente, afin d’y développer des projets agrivoltaïques. Enfin, l’article 5 prévoit que les collectivités locales recevront une compensation financière pour couvrir les coûts liés à l’application de la loi. L’État compensera cette dépense en créant une taxe additionnelle sur les produits du tabac.

Une inquiétude partagée

Ce texte amendé n’a pas manqué de faire réagir le microcosme de l’agrivoltaïsme. Tandis que certains appellent à un retrait ou un rejet pur et simple du texte, d’autres plaident pour des ajustements afin de garantir un cadre réglementaire adapté à la réalité du terrain. La Fédération française des producteurs agrivoltaïques (FFPA) dénonce une insécurité juridique et économique qui mettrait en péril de nombreux projets déjà en cours d’instruction. « Les agriculteurs ne peuvent pas accepter une telle menace sur des projets qu’ils ont mis des années à construire en concertation avec leurs élus et la société civile », alerte la FFPA. Elle plaide également pour la mise en place d’un bail rural à clause agrivoltaïque, « indispensable pour offrir un cadre clair, protecteur, et adapté ». De son côté, France Agrivoltaïsme (dont fait partie la FNSEA) reconnaît certaines avancées, notamment l’abrogation du droit de préemption des EPCI. Toutefois, elle critique la rigidité des limitations nationales, qui ne tiennent pas compte des réalités locales. Quant au Syndicat des énergies renouvelables (Ser), il estime que l’adoption du texte en l’état « signerait tout simplement la fin de l’agrivoltaïsme en France ».

Des syndicats agricoles divisés

Du côté des agriculteurs, seul JA soutient le texte amendé par la commission, jugeant qu’il « apporte des garanties suffisantes pour assurer le déploiement encadré de l’agrivoltaïsme ». La Confédération paysanne s’oppose toujours fermement à toute installation photovoltaïque au sol sur les terres agricoles, préférant un développement sur les toitures et espaces artificialisés. Selon elle, l’augmentation du plafond de 5 MWc à 10 MWc bénéficie avant tout aux énergéticiens et constitue une menace pour les droits fonciers des agriculteurs. Favorable à l’agrivoltaïsme, la Coordination rurale estime néanmoins que la proposition de loi constitue une « catastrophe pour les agriculteurs », notamment dans les zones à faible densité. « Cette proposition de loi ne tient pas compte des réalités agricoles et territoriales », déplore le syndicat, qui préconise un plafonnement différent (75 ha et 50 % de la surface cultivée par agriculteur) pour permettre non seulement « une installation viable sur les terres ingrates » mais également le développement « de bons projets agricoles, à des agriculteurs plus éloignés des postes de raccordements ».

Opposants et défenseurs de cette proposition de loi vont pouvoir poursuivre leurs discussions pendant encore quelques semaines. En effet, l’examen prévu à l’assemblée nationale les 1 et 2 avril n’a pas eu lieu, faute de temps parlementaire. Rendez-vous en mai pour la suite des débats, qui promettent déjà d’être houleux.

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